Les marraines


 

     Monsieur Flaque organisait, chez lui, en Corse, à Rogliano, des concerts de musique (sous la lune ou dans le chant des cigales ou au creux de la voûte de pierre endormie). Un jour je lui demandai :
— Les fées, vous croyez qu'elles ont vraiment existé ?
— Sans elles, nous ne serions pas ici, mon ami. Je n'imagine pas la peur que nous aurions. Elles nous accueillent tous les jours encore, aujourd'hui. Elles sont au seuil de cette maison, à la fenêtre.
— On peut donc les voir ?
— Comme je vous vois. Elles sont parmi nous.
Je restais perplexe.
— Il faut avoir votre regard, lui dis-je, pour les distinguer dans la foule. Qui ose imaginer une personne surnaturelle en face de soi ? Qui n'en serait pas intimidé, troublé au point de rentrer dans un trou de souris ?
— Dans les grand yeux sensibles de l'enfant la nuit chante. Toutes les couleurs sont dans les arbres, la forêt parle. Elles sont les marraines surprises en leur songe.
— Vous nous croyez prédestinés, comme dans les contes ?
— Nous sommes protégés par les rêves.
— Et les cauchemars, est-ce qu'ils n'existent pas ?
— Ils sont tout au fond de nous. Il ne faut pas en avoir peur, c'est pour cela qu'elles viennent nous rassurer.
J'étais sûr qu'il avait raison. Je pensais à monsieur Nuit, à monsieur Temps, qui me rassuraient eux aussi. Un jour peut-être je les verrai au détour d'un chemin, sur le dos d'un oiseau. Devinant mes pensées il me dit :
— Des oiseaux sont perchés ici et là. Ils ne disent pas tout.

En exergue : Kandinsky, Groupe en crinolines, 1909

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