Cette corneille familière, qui se dandine, dans l'herbe au pied des bancs, pas très loin, je la connais. Bec noir, plus court que celui des freux. Compacte, bien portante, quelques reflets argentés sur les ailes. Je tente de me rapprocher d'elle, mais elle s'éloigne, presse un peu le pas, puis s'envole. En un instant elle est capable de quitter le quartier. D'agréable compagnie. L'observer me suffirait, partager le temps.
Le soleil me couvre et m'endort. Une sonnerie me réveille, un téléphone tout près. À cette heure-là il n'y a pratiquement que des hommes, parlant des langues que je ne comprends pas. J'aime cette compagnie. Les jets d'eau explosent. Leur doux vacarme envoûtant. Puis grand silence. D'autres passants. Femmes. Le grand cercle des bancs autour de cette mare-fontaine. Deux jeunes filles s'assoient. Leur douceur m'attire. Se cajolent tendrement. Discrètes. Une douceur envahit l'espace, me touche en dedans. Une tendresse très libre se répand sous leurs cheveux mi-longs, caresse leur cou, becquette leur visage, se love. L'un des visages est peut-être masculin, le corps aux lignes plus droites lui aussi malgré les cheveux de fille, l'autre fille est très modelée, souple et vive. Un pigeon tétouille dans le bassin. En face, dans l'herbe très verte la corneille familière est revenue. Je la connais. L'important est de connaître, rencontrer. Partager le temps. Une maman ramène de l'école ses enfants. C'est un peu les miens. C'est un peu la mienne (compagne). Voici beaucoup de gens maintenant, d'une famille très élargie, multi-culturelle, toutes générations, toutes formes d'humeur, toutes formes de beauté. Tout près une femme silencieuse, très triste. Les petites bouches posées des jets d'eau diffusent une bruine très légère qui s'envole et disparaît. Comme notre présence les uns aux autres. Ainsi la grande famille idéale se dessine, celle où tout et tous s'acceptent dans une même liberté.
En exergue, August Macke, Huile sur toile - 68,4 x110,5 cm
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