Ce qui est drôle — je m'en aperçois maintenant que je les ai congédiés — c'est que c'est moi qui avais besoin qu'ils me frappent. C'était moi leurs bœufs. Maintenant je dois me stimuler tout seul.
Maintenant que je l'avais gagnée ma vie, finalement, (sans être paysan ni instituteur) je ne savais pas quoi en faire. Une vie gagnée alors que vous n'en aviez pas besoin (ayant déjà la vôtre), que vous ne pouvez même pas la donner à quelqu'un, pas même à vos enfants qui sont très méfiants et incrédules. Une vie dont personne ne voudrait, quel cadeau, qu'on ne sait pas par quel bout soulever, qu'on va laisser dans son emballage. Je comprends mieux la sculpture de Toros qui est sur la place, maintenant qu'elle est emballée entre ses quatre planches. J'espère qu'ils auront la bonne idée de la laisser ainsi une fois les travaux terminés. Le bois de chantier, bien frais, c'est tellement plus beau que le bronze.
La ville est soudain vide sans eux. Ils n'ont pas demandé leur reste, ils se sont métamorphosés en papillons, en orages, en montagnes... Quelqu'un va les aimer, comme je l'ai fait, et va leur donner tous les noms, toutes les fonctions dont il rêve. Le rêve crée plus sûrement la vie que le travail.
Albert Marquet, Les deux pêcheurs à Naples, 1911
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