Si cette Terre n’existait pas il faudrait l'inventer ! Non pas Vénus ou Mars ou la Lune ou une quelconque galaxie de toutes celles qui meublent l'univers, mais celle-ci qui se prête à toutes nos fantaisies. Après l'épisode des joyeux gloussements des petites hirondelles, le lendemain peut-être, vers la même heure, ce sont d'autres gazouillements plus sonores (qu'instantanément je devine), des grappes de notes bien perlées qui me saluent, je suis à ma fenêtre et elles sont là, les hirondelles de fenêtre, grandes, bien noires à longues ailes effilées et ventre blanc, qui viennent visiter les mêmes bords de toits, les parcourir en trois battement d'ailes, sillonner en deux fois trois mouvements les quatre coins des toits du quartier, piquer sur l'angle du mien, faufiler la gouttière qui coiffe la rue voisine, où les nids cachés par leurs lointaines cousines leur paraissent peut-être des berceaux de poupées. Elles, plus grandes encore, plus élégamment vêtues, plus louvoyantes que les véloces martinets, passent néanmoins comme des flèches sans vous laisser les admirer à loisir. Je reconnais celles qui fréquentaient dans mon enfance les fermes aux poutres de bois tout au long de l'été. Venues de nulle part jusqu'ici, ( à trois au moins, cinq ou six plus probablement), audacieuses et, non pas émouvantes mais bouleversantes, faire irruption comme les fusils noirs de la paix, des théâtreux dans leurs plus beaux costumes d'éco-terrorristes, un soir d'été brechtien. Pourquoi sont-elles passées sinon pour une parabole de fête, pour une mission spéciale dansée m'informant qu'elles sont bien les hirondelles de fenêtre véritables, grandes longues ailes noires et soyeux ventres blancs.
Ce matin des petits gloussotements, des petits baisers, les ailes delta sont à nouveau là !
En exergue, illustration de Bonnard pour Daphnis et Chloé, 1902
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