Je décide d'être monsieur Nuit. Je n'attends pas plus longtemps. C'est allé assez vite, il est vrai, depuis que je l'ai pressenti, il y a quelques jours. C'est une métamorphose, une naissance. It's a new dawn, it's a new day... les poissons sautent dans la rivière, les papillons voltigent, les pigeons se lâchent, la grâce de leur vol dans ce petit vent qui se lève, poitrail ouvert en saut de l'ange... and I'm feeling good.
Jean-Henri Fabre sur mes genoux son livre ouvert, le fruit de sa passion, son humour, sa patience, la pertinence de son observation ; d'ailleurs une guêpe vient sur la table, jouer dans le soleil autour du verre de bière, corset rayé noir et doré, seule de son espèce parmi les gens qui m'avoisinent assis en terrasse ou passant sur la place, plus beaux et mystérieux chacun qu'un ciel étoilé, ou tout autant, dans une inimaginable diversité. Nous avons la Nuit des mots qui nous offre nos pensées et l'approche nuancée de nos corps, d'un possible regard, la façon de jouer des enfants, de tenir la main du parent aimé puis de courir à nouveau ; et le pigeon noir tout près vient picorer, très attentif, vigilant à l'extrême, prêt à s'enfuir s'il y a danger, fait virevolter chacune des grandes miettes qu'il trouve en abondance au pied de la table, avant de l'engloutir. Mon verre est vide et le garçon qui veille au grain remarque ce manque parmi nous qui écoutons réjouis Jean-Henri Fabre dans le mémorable combat de la Tarentule et du Calicurgue annelé, On remet ça ? me demande-t-il. S'il y en a encore, lui dis-je, et il me le confirme souriant, son visage noir de barbe, ses cheveux noirs et frisés relevés en chignon, le visible de ses membres entièrement noir de tatouages, et reprend son ballet tranquille de danseur virtuose. Venu seul ce soir me voici au cœur de la socialité.
Photo Brigitte Celerier
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