Psychanalyse de la cage à oiseaux


 

 Ici posé au bord de la rivière, je suis pour eux comme une cage, tant tout est transparent, l'eau turquoise régulière qui chantonne, la brise légère, le clapotis, les envols de ramiers, les cigales un peu distantes mezzo voce, le vert filtrant des feuillages camaïeux d'ombre et lumière. C'est un temps de sieste légère. Mes hôtes sont tranquilles dans la tête qui les porte nonchalamment, monsieur Nuit et monsieur Temps, à sentir le souffle des ailes de l'oiseau qui s'approche en rejoignant sa branche.
Je ne rêve pas pour eux de liberté, pas plus que de la virtuosité des chardonnerets ou des castrats adulés couverts d'honneurs et de richesses. Je les ai posés là le temps qu'ils me dépeignent, qu'ils me brossent mon portrait de peintre infantile, que je m'explique pourquoi je n'ai jamais voulu grandir. Pourquoi jamais je n'ai voulu savoir mon histoire, celle qui m'a porté jusqu'ici, à ce monde dont je ne peux assumer l'horreur.

En exergue, peinture de Raoul Dufy, 1940

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