L'histoire vraie de moi


 Ils se sont ligués pour m'évacuer. Je ne sais pas ce qu'il leur a pris. Ils m'ont roué de coups — peut-être pas eux-mêmes, ont-ils payé des hommes de mains ou des fauves pour m'expulser — je suis encore assommé, une jambe se réveille rongée de fourmis, les épaules, le cou, le dos fourbus, la tête lourde. Je suis allé trop loin, je les ai poussés à bout, je crois, cette fois je ne les ai pas seulement tournés en spaghetti, je voulais leur faire dire quoi, les faire répondre de quoi ? Je voulais sortir, je voulais comprendre. J'allais dans la mine à écrire depuis si longtemps, mon piolet au cou. Tout me disait la défaite, la contradiction, la pauvreté des savoirs qui me paraissaient infinis — Seul le soleil est grand, me disait monsieur Nuit qui cassait tout, au contraire monsieur Temps jouait en finesse. Je voulais sortir. En sortir.

Il reste que l'histoire vraie de moi ne veut pas mourir, ne pas finir en boucherie, en haché de monsieur Nuit, des morceaux rebelles me cabossent le corps. Sur la page lisse je me déverse comme purin, comme merde dans les champs. Puis j'abandonne.

Il pleut, la pluie frappe aux vitres. Le ciel est gris foncé.
La grêle maintenant bombarde la maison. Je suis complètement réveillé.
C'est fini.
Le silence. Et le beau soleil, le ciel azur et argent.

En exergue, Karel Appel, Zittend Naakt, 2000, huile sur toile, 260x200cm

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