Le berger


 

Il se cherche une famille, il se cherche une maison. Il a sauté les deux marches du porche, celle du trottoir, et traversé la rue. Il descend l'avenue, passe par le petit jardin qui tient lieu de rond-point au centre du carrefour, où naguère il vit un livre se faire et se défaire, un peu plus loin il se décide, il ira à la terrasse du Central, boire une bière, faire trace sur le carnet de croquis qu'il a emporté avec lui. Et tout de suite, ou presque, il se trouve une maison, il se trouve une famille. Le garçon, qui l'accueille, dans son circuit de jeune bouc berger zigzaguant entre les tables et chaises couleurs alternées saumon et noir, parmi son troupeau disparate où quelques rires, quelques chantonnements cascadent ou caracolent.
Il se glisse à une place entre chaise et table, un corps parmi les autres tous différents par la couleur, la taille, leurs voix leurs attitudes faisant ballet orchestre jeu de scène. Tout dans l'ombrage de jeunes platanes hauts et dégagés. Des pigeons trottinent à leurs pieds sur les larges dalles de gravillon. Il se trace du crayon son interstice incertain, labyrinthique, mais contenu déjà, somme toute, dans une sorte de maison, une espèce de famille. De la tour d'horloge voisine un carillon envoie une fine volée de mélodie, au moment même où une puissante cigale déclenche la sienne depuis les branches.
Réceptif, aux aguets, soudain un instant de bien-être s'installe en lui, mystérieusement signifiant.

En exergue, une peinture de Paul Klee

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