Le piano me pousse du coude, me glisse à l'oreille
Tu vois que monsieur Temps est fatigué, il est un peu mou. Tu vois cette belle tige fleurie qu'il était, elle penche la tête. Que vas-tu faire pour lui ? Il n'a pas de Dieu, il n'a pas de soleil maintenant qu'il est en toi, qu'il a accepté généreusement d'entrer... ce n'est pas de toi qu'il attend tout, mais il attend quelque chose... quoi ? l'eau ? la lumière ? la sève ?... Concocte-lui ce qu'il lui faut pour que ce rien en lui s'épanouisse et t'entraîne dans ses branches. Il n'a pas d'oiseaux, il n'a pas d'enfants ni de vieillards qui viennent à lui aujourd'hui. Il n'a que toi, plus pauvre, plus faible que lui.
Ressaisissez-vous, dit le piano. Et il m'envoie une petite tape dans les bras, une chatouille dans les poignets.
Je me remets en selle. Le piano est un cheval, lance gaiement le tabouret.
Et parviennent, à grand renfort de sangles et d'oreilles dressées, quelques mesures à se tenir debout.
Joan Miró, Cheval de cirque, 1927
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