Le chat de Suzanne Valadon


 

Le chat de Suzanne Valadon, Raminou, m'a rendu visite. Je l'ai reconnu sans peine quoique je ne l'aie aperçu qu'une ou deux fois en rendant visite à mes amis d'autrefois. J'avais perçu tout de suite son regard qui n'est pas celui d'un chat mais sans m'en rendre compte, si bien que quelque chose de confus, cette boule orangée fauve imperceptiblement mouvante est restée en moi, quelque part cachée, blottie ou endormie et dont je sens maintenant la présence.
Je ne sais pas s'il m'écoute. S'il m'écoute, je ne le sais pas. Ne pas savoir, entre nous est le plus important. Tout comme l'autre jour le merle, lorsque je pianotais laborieusement mon étude en sol majeur, qui chantait par intervalles, un peu, comme pour que je l'entende et trouve dans cet accompagnement une joie, une petite énergie pour continuer. Je suis finalement allé voir, sortant d'une pièce à demi fermée, par discrétion, passant dans l'autre fenêtre ouverte où je le vis en plein milieu me faisant face, comme intentionnellement, perché sur la ligne téléphonique. Il resta un temps, je lui sifflotai quelque chose d'où ne sortit aucun son, puis il partit. Je repartis presque du même vol sur le piano.
Cette façon de partager la présence, qu'ont nos amis les non-humains m'est une bénédiction (païenne, de paysan autrement dit, combien subtil et silencieux peut être le monde paysan !)

Suzanne Valadon, Louson et Raminou, 1920


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