Alors que je suis assis dans le petit square au milieu des boulevards, passe une femme belle comme le matin, et le dos élancé revêtu d'un large cartable plat et haut lui peignant une allure japonisante. Je crois voir Corrine portant contre son dos le livre de l'amour d'Ernest dans cette clarté, comme un papillon fermé. Virevolte d'un chant de merle, suivi de petits pépiements de mésange et d'autres crépitements légers, et de toute une course de tintements minuscules qui signalent leur présence. Et se refait place le glissement des voitures et leurs grosses voix discordantes.
C'est ici que je cherche le livre à venir. À quelques pas des pavots jaune d'or dont les corolles à doubles pétales jonchent maintenant le sol, parmi des verts, des bruns, des bleus et toute une palette de vivants employés au décor. Chacun se mime, s'écoute et se répercute.
C'est un livre dont les pages s'épanouissent et se recouvrent, et s'étagent et s'interposent, et se respirent aussi, se mettent à l'ombre l'une de l'autre ou se colorent la lumière. C'est un livre à sentir, à habiter et toucher autant qu'à voir et entendre. On y est tour à tour interprète, chef et cheffe d'orchestre, compositeur et compositrice. Passant, passante, on le cueille, on en prend un bouquet pour sa table, je me suis étonné de le faire, il y a quelques jours — des branches de seringa débordaient d'une grille. C'est maintenant que je comprends mon geste.
En exergue, Kandinsky, Impression III, Concert, 1911
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