Mon grand-père avait deux bœufs. L'un s'appelait monsieur Temps et l'autre monsieur Nuit. Il ne m'en avait encore jamais parlé.
Il a fallu le jardinage d'hier. Il a fallu la mort de mon amie, il y a quelques jours, la mort en cours, qui la rapproche encore de moi, mystérieusement. Il a fallu aussi cet excès d'heures passées sur le piano, au-delà de mes capacités d'attention et de celles, motrices, de mes doigts, ce qui a valu à monsieur Temps de me lâcher, de se retirer et s'endormir sans gêne. Et puis il a fallu les spaghetti, l'impression que je roulais des spaghetti autour d'une fourchette, que c'est tout ce que je savais faire avec tout ce que je touchais, ma seule manière de me comporter avec choses et gens pour arriver à mes fins. Tout cela, au moins, a participé à l'apparition de mon grand-père, en coup de vent, ou plutôt en éclaircie mi-sourire entre deux nuages, et cette révélation qu'il m'a faite du nom de ses deux bœufs, me laissant le soin d'imaginer la suite de l'histoire.
Peinture de Pierre Boncompain, Vercors bleus, 130x162cm
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