Prémices


 Au piano je me métamorphose très doucement. Je gagne un orteil, j'allonge un humérus, j'arrondis un coude, ça va très lentement. Je me lève, je vais marcher. Je me sens très nouveau, dans le nouvel instant. C'est là, la compagnie de monsieur Temps.
Dans l'instant j'ai écrit ces mots et mon crayon a glissé avec une fluidité jusqu'alors ignorée. La larve laissée sur le papier clair est maintenant un petit arbuste, mettant les premières feuilles comme les platanes de l'avenue dont les hauts paniers se hachurent de jaune. Un, deux, trois ramiers vont s'y asseoir pour se fondre à l'ombre de ce nouveau cache-cache.
En face de ma fenêtre le tilleul a fait plus vite : en un jour il s'est arrondi de touches vertes.

Rik Wouters, crayons de couleurs sur papier, 1912


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