La fable

 

Monsieur Temps est devenu monsieur Corps, ça n'étonne personne, tout a été raconté de son approche — de la mienne.
Ce n'était pas seulement un manteau que je revêtais — monsieur Vannereau — ou un élégant costume gris — monsieur Temps. C'était comme une hormone de croissance, de synergie, de complétude.
Je vois cette plante en face de moi qui pousse dans la lumière du soleil. Elle est faite d'une multitude de petites langues vertes disposées en corolles étagées sur des tiges comme des éventails ou plutôt des paumes ouvertes montrant leur joie collective d'assister au plus radieux spectacle, toutes debout dans un même élan, une standing ovation.
Le soleil ne les frappe pas en pleine face mais une demi-ombre filtrée des grands arbres en-dessus leur offre des nuances de verts et jaunes délicats à glisser dans la transparence de leur limbe, le long de leur fin lignage, sur leur lisière dentelée.
Puis la marée montante du soleil vient les toucher peu à peu et elles se laissent baigner, comme épaissies dans leur peau, prises de somnolence. Tout comme monsieur Corps, rassuré par la chaleur du soleil, par celle aussi de la vie sociale de la rue qu'il est venu chercher là pour être enveloppé, en phase avec le monde et lui-même.
Les personnages et leurs histoires — des feuilles de menthe, lui semble-t-il, muettes mais toute réceptivité et toute expression — viennent le solliciter, lui sourire discrètement dans son demi-rêve, se prêter à sa fable.

En exergue une peinture de Pierre Boncompain

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