Il fallait que je trouve Monsieur Nuit. Je marchais maintenant dans des rues éloignées que je ne reconnaissais pas. Je me dépêchais dans l'espace assombri, qui se creusait, se dressait, je m'éloignais, je me perdais. Monsieur Nuit n'était jamais par là. N'existait pas. Il fallait que je retourne au chaud, à la lumière, que je refasse un chez-moi avec un soleil au cœur modelé à ma chair, dans mon souffle, à mon regard. Et là je parlerai à Monsieur Nuit jusqu'à ce qu'il m'apparaisse, lui parlerai avec le crayon, comme on dessine, lui tracerai le chemin, les buissons où il se cache, la boue, l'ombre où il s'enterre. Il viendra sur le papier d'abord, il grognera peu à peu comme la musique qui émerge des notes, le paysage du dessin, le personnage de la rêverie.
Et s'il était le crayon... Il est le crayon... cette mine noire qui écrit — ce musicien, ce danseur, ce rêveur qui trace inépuisable, toujours renouvelé, toujours alerte.
Il est le crayon. Je l'ai toujours avec moi. Je lui prête ma main pour qu'il y coule.
Je ne fais que vérifier qu'il est là, au bout du crayon, noir, gris, anthracite, graphite, serpentant, ver, veinule, canule. Il est là comme ailleurs. Je peux le trouver partout. Répandu en toutes formes. Il est le lien. Beau. Vers lui vont tous les désirs.
C'est dans le soleil que j'ai trouvé la nuit.
Photographie de Thami Benkirane, Marseille, le 1 septembre 2023
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