à John Fante

 

à John Fante,
parce que l'humanité de ses personnages est insondable, comment fait-il ?


Il y a des petits oiseaux, malgré tout, qui reviennent chanter dans le jardin sous la fenêtre, ou à proximité. Après tout un été de désertion, cela après l'introduction d'un chat par les voisins — un chaton à caresser, un bébé-chat-pour-jouer assez vite devenu un petit chef puis un grand voyou dans la mini forêt de sa terrasse. Plus aucun oiseau, d'autant qu'aucun arbre n'est trop haut pour lui ni aucune toiture environnante, la rue non plus ne lui fait pas peur. Fini la profusion des moineaux, tourterelles, merles, mésanges, pies, rouges-queues, fauvettes à tête noire — on survole de haut seulement — surtout les choucas, et autres corbeaux, les pigeons et autres ramiers, les cigognes qui ont fait halte l'autre jour. Ces légers pépiements aujourd'hui, comme le passage de deux ou trois mésanges, prudemment, dans le prunier il y a quelques jours, me réjouissent comme un rouge-gorge, me font reprendre la plume et chatouiller le papier. Je sens mon oiseau enfoui qui se réveille, vient s'ébouer au soleil d'octobre. Il sort de la poche intérieure du vieux manteau où je le tenais confiné par bravade parce que j'ai, j'ai tellement eu toujours, beaucoup plus d'ambition. Un petit oiseau ! allons, je ne suis pas un poète !
Et pourtant, dès qu'il s'agit d'écrire — et depuis toujours — voilà ce petit virus qui me met la panique... D'origine inconnue, comme arrivé avec la vie, transmis par ma mère, qui l'avait encore plus méchant, plus enfoui et peut-être bien mon père aussi — Eh oui, j'ai besoin de refaire le monde pour me mettre à écrire. Et quand je ne reconnais plus rien, en plein échec, quand je casse tout, jette ces papiers à la poubelle, je retrouve mon aplomb.
Ou alors je ferme les yeux — à demi, aux trois-quarts ou complètement. Alors le crayon prend la tangente, il trace, il va au plus vite, il avale les kilomètres, il en fait des tonnes mélangées à des distances, des choux et des carottes.
Je vois bien qu'il s'agit de se nourrir. Même le feu se nourrit. Même l'eau. C'est notre problème à tous. Comme les vaches dans le pré. Combien d'artistes en arrivent là : dessiner des vaches, ou même de simples carrés, ou une seule couleur, une ligne, une trace, une ombre. Raconte ce qui t'est arrivé — Non ! ça tu ne le fais que si tu as un ami - une amie - à qui parler. Sinon tu te tais, tu écris autre chose. Et quand tu perds sévère tu arrives à autre chose, à ce qu'une lectrice - un lecteur - te perce, te comprenne.

Reading : Wait Until Spring, Bandini, by John Fante

Photo Brigitte Célerier

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