Sur le pont, inattendu, un cadeau de soleil, ce matin, comme pour inaugurer une nouvelle saison de petits bonheurs, offerts à qui les prendra, une caresse de soleil, un bonbon pour enfant, un sourire pour vieille ou vieux que j'imagine derrière ses rides. En passant mes pieds voient un bonbon sur le trottoir, sorte de petite crotte rose et vert fluo, jeté ou perdu. Plus loin l'enfant c'est un visage de fillette derrière la vitre du car, le cadeau un petit sourire, la saison l'automne tout nouveau, le présent offert un morceau de soleil au cœur comme une tranche de fruits sur la table. C'est si long pour dire l'instant du plaisir qui dure comme laissé fondre en bouche, une caresse laissée déroulée. Ainsi la couleur du soleil ce matin, d'un coup, imprévisible sur le pont quand il n'y a que la rivière silencieuse attendant patiemment qu'on lui dise bonjour, qu'on lui donne des nouvelles qu'elle connaît déjà : le temps qu'il fait, la fluidité qui confond les pierres du quai et les murs de la basilique dans une compassion. Curiosité en éveil, des visages qu'on croise, des lèvres serrées, des joues ravinées, des regards qui hésitent ou sautillent ou sont plongés dans une histoire secrète. Le pont traversé toute cette diversité se distribue dans le manège des rues.
Peinture de Franz Kline, 1946
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