Il ferme les volets. Il y a beaucoup de volets sur cette maison. Des persiennes, hautes, devenues grises ou de bleu mêlé à la couleur du voyage. Le bois change chaque jour, le bois dérive lentement, s'enfonce dans la caresse du temps.
Chacun des volets est une paupière du matin à soulever avant qu'elle se raidisse, se fige, se casse ou disparaisse dans la masse des murs, poussière durcie, veloutée ou granuleuse où on ne distingue plus les écailles des volets, de chaque volet fait lui-même d'écailles. Il ne sait plus s'il ferme ou s'il ouvre ces volets chaque matin et chaque soir, tous les deux jours ou deux fois par jour. Comme il aime faire le tour de sa maison !... il se voit insecte sur les volets passant très lentement, carapace écaillée lui-même, tâtant délicatement des antennes la couleur du jour, le manteau de la nuit.
On vient le voir parfois, on le chasse comme une blatte ou on lui décroche ses pattes agrippées au bois, ou il arrive à se faire oublier, confondre ses griffes, ses phalanges, avec les échardes, les fibres des volets, le linceul poussiéreux des murs, la caresse de soie des araignées. Parfois on le laisse s'endormir pour un petit moment mais quand il se réveille il ne sait plus la tête ni les pieds qui le grignotent. Puis quelqu'un ou quelque chose le pose à nouveau sur le mur. Alors il est heureux.
Le soleil brille ce matin sur ce désert déjà brûlant, et s'accroche au bleu du ciel. C'est l'heure de la toilette dit la gentille infirmière qui en réalité est un gentil robot intelligent.
Photographie de Thami Benkirane
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