J'écris pour moi. J'ai compris cela. Avant, la différence entre écrire pour son journal intime et écrire un roman était grande. C'étaient deux planètes différentes. Elles se sont rapprochées, elles n'en font plus qu'une. Si l'on n'écrit pas à quelqu'un de précis pour lui parler, c'est à soi-même que l'on parle quand on écrit. On parle tout seul. Il n'y a pas de mal à ça. On écrit pour entretenir ce monologue. On écrit pour continuer à écrire. On suit le fil qu'on a commencé à tirer, on veut — ou on voit — qu'il mène quelque part. On s'arrêtera quand il y aura une forme digne d'être arrêtée — présentable. Un fruit prêt à tomber de l'arbre ou à être cueilli. Un objet quelconque qui peut être lâché dans la nature, ou dans l'aventure. Abandonné, ou au contraire conservé.
Tout le monde écrit pour soi — en littérature, du moins. Qu'on cultive des poireaux, qu'on élève des coccinelles, qu'on écrive, pourvu qu'on y trouve son compte, qu'on y joue son rôle. Tant de problèmes sont résolus pour moi qui avais ce fichu terme de "travail" toujours en travers de mon chemin. Désormais j'élève monsieur Nuit, monsieur Temps, monsieur Océan sur des feuilles de papier, et encore ! je n'ai pas grand chose à faire pour eux, ils vont leur chemin tout seuls.
Peinture de Bengt Lindström, The poet, 1967
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