Monsieur Vannereau a disparu de notre vie comme il était apparu, discrètement.
Ces quelques années je les peindrais dans le journal de monsieur Temps (sur ces feuilles qui s'éparpillent) un papillon à l'aquarelle.
Je ferais de lui un enchanteur — même s'il n'en avait pas l'allure, dans son vieux manteau en ruine qu'il en était venu à fermer d'un bout de ficelle, son pas furtif, ses mimiques grimaçantes — j'ouvrirais grand portes et fenêtres à la musique qui logeait en lui et nous rendait visite, nous offrait sa panoplie, son théâtre, ses palettes de couleurs, ses outils d'artisan.
Peindre, raconter, débusquer la beauté cachée qui animait en sourdine notre enfance, la métamorphosait en ce que nous allions devenir — homme ou femme, maladroit le plus souvent, ordinaire, laborieux — comme les artistes dévêtissent le corps des femmes pour faire éclore les mythes, les rêves, les enchantements nécessaires de la vie.
Pousser le portillon d'un jardin, aller au-delà des collines, au-delà des toits, pour écrire comme peindre, pour apprendre à jouer du piano, pour comprendre les tours de passe-passe des araignées comme les jeux de construction des idées, voilà à quoi me servait monsieur Temps, à quoi il venait, lui aussi comme par enchantement, jouer avec moi.
Peinture Albert Marquet
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