Dernier été

 

 Des fourmis se sont invitées et s'offrent un grand festin dans le sac de monsieur Nuit. Elles démontent et transportent le trésor pour en reconstituer un autre à leur profit ou celui de leur reine. Ou une autre aventure les emportera. Il y a des nuages aujourd'hui, des bons gros cumulus éclatants de blancheur et aussi vite je change de forme, je passe d'un corps à l'autre, d'intérieur en extérieur, d'un aujourd'hui à un autre. Je caracole, fourmi, oiseau, je vole, déguste, abeille d'une fleur à l'autre tout en bourdonnant, chantonnant à l'oreille qui se présente mon refrain sans cesse raccommodé. Deux papillons s'égarent sur la joue de monsieur Temps, je renonce à organiser le monde. Les mots donnent sens à tout cela, tombant des arbres sur ces feuilles, dessinant des natures mortes que des yeux admirent aussitôt, des pas recomposent.
Il y a un gros bonhomme endormi là-dessous, Dieu, je l'ai repéré, je doute qu'il se réveille un jour, maintenant. C'est toute une aventure qui s'achève. Dernier été.
Et cet homme que je croise maintenant, sa voix à demi épuisée qui me salue dans une langue que je comprends mal. Il a deux oreilles de chèvre qui sortent d'un mauvais chapeau, c'est l'autre, enfin, je sais qu'il vient d'écrire ou bien de sortir d'une rivière, qu'il s'est hissé d'une fissure hors d'un nid de fourmis, visage crevassé, parcheminé, indescriptible, changeant comme le bois de l'arbre, nous nous parlons.

Peinture de Cy Twombly

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