Un rêve


J'étais surpris qu'on m'ouvre la porte. Mais pas tant que ça.
Il n'y avait personne derrière. Lourde, elle s'est refermée lentement, automatiquement. Le couloir était vide, apparemment ; sombre, j'en reconnaissais les dimensions imposantes, familières.
Une fois dans la pièce commune, j'ai retrouvé la famille, les enfants. Et puis des quantités de chats par terre, inconnus, de toutes tailles, des minuscules fourmillant aux plus gros. En allant les mettre dans le couloir, je vois sur le côté un scarabée noir qui se traînait. Je parviens à le ramasser.
Je m'aperçois que plus tard je le tenais dans une bouteille qui lui emprisonnait l'arrière du corps, seule la tête dépassait et je le montrais à mon petit frère pour l'effrayer. C'était gros comme une langouste et noir. Depuis combien de temps avait-il survécu la queue prise dans un flacon de parfum ?
Puis en me réveillant je le confondais avec le héros et les tentatives de le définir et de le comprendre. Un instant j'entrevois mon chemin historique de fouilles archéologiques de rêves.
Avant il y avait eu une fête foraine, pour les enfants, que j'ai oubliée. Mais à la sortie le monsieur responsable, posé, corpulent, assez âgé, reconduisait les enfants par la main, à l'arrêt de bus, je crois.
Il est revenu avec une petite fille, et j'ai pu voir, en gros plan, sa main forte aux doigts épais, marquée d'un reste de blessure peut-être récente, qui tenait bien celle, toute petite, de l'enfant.
Je note le rêve. Pour l'avoir touché. Pour le penser. Je me lève et le matin est plein d'oiseaux. Ils ne font pas attention à moi. Je leur avais ouvert la fenêtre avant l'aube, dans le bleu sombre. Pour le chant des merles – ou des rossignols – intense. Ce matin des pigeons, surtout. Ils chantent, ils se parlent et s'observent, comme si je n'étais pas là. L'un au bord du toit à quelques mètres ne bouge pas quand je m'approche et referme la fenêtre. Je suis bien dans le journal du temps. 

Peinture de Karel Appel, vers 1975

Commentaires