Le temps est un allié.
C'est un grand frère, un grand arbre ; je lui sens des grands bras déployés dans l'espace, des gestes amples et doux, ceux du cèdre dansant sous le vent. Le temps, je compte sur lui, je le laisse me porter, m'emporter, me projeter d'un endroit à l'autre. Il me récupère toujours comme dans la nacelle de la balançoire les enfants qui jouent. C'est un frisson délicieux d'accompagner les oiseaux dans l'air, la danse virtuose des martinets jouant de même avec le temps.
Le temps m'est indispensable.
J'évite de le perdre de vue, de me trouver sans lui démuni comme un petit chat abandonné, tremblant de froid et de peur. J'aime marcher dans ses jambes, le respirer, le voir au loin caresser les montagnes, lisser les nuages de ses bleus aquarellés, de ses gris molletonnés, de ses coulées laiteuses, de toute cette embrassade que traversent les pigeons, mimant les messagers antiques dans leur vol plané, pilotant leur petite machine vivante aéroportée comme les a dessinés Georges Braque.
La lune des peintres, le soleil des poètes, l'univers étoilé des musiciens, autant de stations du grand frère temps où je me pose, l'adoptant comme guide, me laissant décrire, ici et là, le monde sous mes yeux. Des jeunes femmes attendant le bus à l'heure du lycée, le nombril découvert sur leur ventre arrondi, les vêtements accordés aux corps, les visages aux sentiments, les mains pianotant le téléphone. Les corps, tous les semblables si différents de la faune humaine qui s'oublie.
Georges Braque, Thésée, 1931

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