Son corps est devenu perméable. Il sent des choses à l'intérieur dont il n'a jamais perçu ni imaginé la présence — mais pas vraiment étrangères, qui devaient être là déjà et qui maintenant se font sentir... qui vivent, souffrent peut-être, des choses nombreuses qui s'éveillent, affluent, tout un monde... il se dit que ces fluides sont aussi des mots, oiseaux, ou poissons, qu'ils ont noms de quelque chose.
Il est devenu poreux.
Il se souvient d'un homme qui s'appelait Poreux, ou Porée, ou Pirée, ce qui lui évoquait l'image d'un port, de l'eau bleue, de vaguelettes. Cet homme qu'il trouvait lisse, ce voyageur qui ne s'attardait pas à parler longuement avec lui, qu'il avait trouvé hautain... de haute mer... hauturier.
Il devait faire le commerce du thé, si parfumé, si savoureux — le thé qu'à l'instant il boit et dont la chaude saveur se répand, s'épanouit dans son corps.
Plutôt que du miel sur son pain, l'idée lui vient de manger des pruneaux qu'il lui reste dans un bocal. Il les cherche mais ne les trouve pas, se souvient du bocal qu'il a vidé hier soir, ce doit être celui des pruneaux — doux et moelleux, il les a dévorés tous, sans s'en rendre compte — cette gourmandise lui semble être l'accès des mots dans son corps, c'est ainsi qu'il se rend perméable.
Mystérieuse planète, pense-t-il, où je suis tombé. Le thé y est si bon... et s'invitant à découvrir... pourtant il n'est pas tombé de la dernière pluie... il y a si longtemps qu'il a mis les yeux dans ce monde, que dans ce petit corps il a été lâché, abandonné à ses forces ou plutôt à sa faiblesse, à sa faiblesse extrême comme cet insecte presque transparent dans sa carapace toute neuve, encore grise et souple qui vient de sortir du bois, de la poussière du bois qu'il a grignoté.
Mais enfin il écrit. Mais enfin il fait quelque chose de ces mots.
The poet, 1967, huile de Bengt Lindström
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