Un rêve

 


 J'ai mon bébé dans les bras. Sa tendre et douce tête familière tout près de mon visage. Je vais la confier à sa mère pour la bienheureuse tétée.
Assise et comme fatiguée sa mère n'est pas vraiment prête, je vois de profil sa belle forme corporelle fléchie en position assise, qui ne réagit pas, ébauche à peine une tentative de mouvement, sans suite. Je constate qu'elle n'est pas disponible, je sens sa réelle fatigue. Le nourrisson n'insiste pas non plus et nous acceptons de rester dans cette tiède attente non satisfaite.
Puis je suis à côté de ma compagne dans un train, assis sur un siège de bord d'allée en pas très bon état. Silencieusement assise à ma droite ma compagne est cependant présente à ma légère agitation.
Je me lève tenant en main quelque chose à jeter comme un petit bout de carton souillé. Je vais à la fenêtre qui s'ouvre comme les volets de persiennes de fer d'un appartement avec une espagnolette un peu serrée et malcommode. Commençant à les entrouvrir je vois qu'il fait à peu près nuit. Entretemps, au cours d'un arrêt du train sans doute, je m'étais demandé où nous étions au juste. Entrouvrant davantage les volets du train sur la demi-nuit pour jeter mon bout de déchet, j'ai un doute sur le lieu (et peut-être le temps), je ne vois aucune indication dehors. Je repense à l'autre côté de la voie où je me suis interrogé sur l'endroit et précipitamment je m'inquiète : nous sommes sûrement à notre gare familière de destination, il faudrait vite descendre.

C'est un rêve que j'aime bien, quoique peu rassurant.
Il dit que nous (humains) sommes un peu incertains, dans un paysage (notre extérieur) qui, lui, l'est davantage (certain). Il y a un détail du rêve à préciser : le siège du train, petit en bord d'allée, sur lequel j'étais peu confortablement assis était comme bosselé en-dessous, déformé par une sorte de boule (je le dis, ou peut-être pas, à ma compagne, qui ne commente pas), maintenant que je suis sorti du rêve je me demande si je ne devrais pas mettre cette boule en rapport avec un excrément, ou une excroissance abdominale, quelque chose de mon état réel de santé.
D'une façon générale je n'accorde pas prioritairement au rêve une fonction de révélation ou d'information sur l'état biologique ou psychique de la personne du rêveur. Je l'envisage avant tout dans son apport esthétique, entendant par là ce qui procure l'admiration, l'émerveillement face à l'ineffable — cette fonction-là que possède le rêve et qui nous met en regard direct du cosmos, comme un soleil d'été, une nuit étoilée, une fleur, le corps d'un être vivant...

Dessin de David Jones

Commentaires

  1. Chez nous, on dit que le sommeil (et son corolaire le rêve ou le cauchemar) est le petit frère de la mort...

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    1. Il a l'oreille de la grande inconnue !

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    2. Et pour résumer très sommairement cette histoire de famille chez les anciens Grecs, Hypnos, le dieu du sommeil et des rêves est fils de Nyx (la Nuit) et frère jumeau de Thanatos (la Mort).

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