Le tableau, au premier regard, me suggère un enfermement. Le cadrage serré du couple — coupé en buste, à bords perdus — le fait paraître comme enserré dans le premier tiroir d'un placard à étagères. Leurs visages plutôt affligés — mais montrant une attention quelque peu acide, ou inquiète — sont tournés vers les pièces de terne monnaie que l'homme est en train de peser. La femme se désintéresse de son livre — dans lequel figure une Vierge à l'enfant, tenant elle-même un Livre —, ses yeux ne voient pas non plus l’œil ouvert du miroir qui reflète une scène hors champ (comme dans le tableau des époux Arnolfini) montrant un personnage lisant près d'une fenêtre. Un livre, ou des livres, apparaissent délaissés sur l'étagère parmi des choses disparates. Au premier plan le livre — sa tache claire découpée en fenêtres blanches, à laquelle font pendant celles de la coiffe blanche qui encadre le visage de la femme, répercutée aussi dans celle du miroir posé près du livre —, entrouvert du bout des doigts, semble être le "message" du tableau, sa parole muette (autrement dit : la lecture). Mais le couple ne voit ni n'entend, aveuglé par les petites pièces de métal terne et lourd. Le livre pourtant parle au visage clair de la femme, presque encore angélique, au visage attentif de l'homme, parle aussi à leurs mains, merveilleusement peintes, des mains habiles et porteuses d'art, comme si le peintre disait: ce sont les mains qui font tout ça.
Quentin Metsys, Le prêteur et sa femme, 1514, musée du Louvre.
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