Je retourne — ou je repense — périodiquement, au difficile René Girard. S'il est assez aisé de comprendre l'importance du mimétisme dans l'espèce humaine, ce qui l'est moins c'est d'en saisir l'extrême profondeur. Là, on s'y perd. Littéralement. Je crois qu'il est question de cela : À quoi se raccrocher — pour faire identité, pour ne pas faire identité. Puisque le désir est le pont jeté de soi à l'autre.
Tout désir est fondamentalement mimétique, depuis le premier geste du nourrisson il s'agit de prendre part à l'autre, de s'ancrer dans l'espèce. C'est un pont. Le premier mouvement de vie est un pont.
Et les mouvements suivants sont aussi des ponts. La rive qu'ils atteignent est une rive en mouvement, elle-même, elle ne peut pas être inerte, elle ne peut pas être la mort. C'est une rive mouvante à laquelle on va s'accrocher, c'est un désir auquel va s'accrocher l'apprenti-désir. L'objet du désir (l'objet a comme il a été savamment nommé) n'est pas un électron libre, il n'est pas échoué tout seul sur un rocher, il est porté par quelqu'un. Il est lui aussi un hors-bord qui se jette vers une rive. Et jamais aucun accostage n'est longtemps satisfaisant. Il s'agit toujours d'échapper à soi. De n'être pas que soi.
Le problème est véritablement pascalien, dans sa hauteur lumineuse — poutinien, du côté de sa ténèbre.
Peinture de Luc Vigier
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