Espèces


    Aujourd'hui les étourneaux vont par milliers dans le ciel du quartier. Ils envahissent le grand cèdre à ne pas laisser un segment de branche inoccupé, ce qui transfigure l'arbre, le rendant tout hérissé d'un alignement serré de pousses dressées côte à côte, fuselées comme de petites flammes presque immobiles, jusqu'à ce que toutes ensemble elles partent dans une nuée frétillante, un grand miroitement qui balaie le ciel tout entier, puis d'autres, en immenses nuages, gonflent, s'étirent, lancent des vagues volantes envahissant tout. Elles semblent jouer. De tout près quand elles passent au-dessus de nos têtes on les voit tranquilles, volant chacune ou chacun à sa guise, sans rigidité à la différence des escadrilles de canards par exemple, mais pouvant s'écarter, se retourner même, certains repartir en sens inverse, retourner même se percher. Tout ce manège grandiose et bon enfant semble une fête — saisonnière peut-être, ou prélude à plus décisive migration...
Ces oiseaux font passage dans mon travail, que j'étudie, que je rêve, que je construise ou déconstruise, j'accueille leur place à mon côté, comme sur la feuille voisine, la fenêtre voisine, pays à la fois proche et lointain. Je les voudrais de bon augure pour les sociétés humaines, compliquées, tourmentées, et qui ne semblent pas faites pour s'accorder comme ces troupes d'oiseaux. Lorsqu'elles s'accordent, c'est souvent pour le pire. Nous les connaissons de l'intérieur, nous n'avons pas de mots mais nous comprenons leur chaos profond. Que verrions-nous d'elles, depuis les yeux d'une autre espèce ?

Le Greco

Commentaires

  1. Ils sont de retour dans nos cieux également. C'est la saison des olives! Un met de choix pour l'étourneau. Les anglais usent du terme "murmuration" pour désigner les mouvements de leurs nuées.

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