Marcher en oiseau


 

Le chemin que j'avais pris à travers la ville m'apportait le présent des rues toujours renouvelé.
Je sortais pour cela, et être moi-même porté à cet avènement.
Je le vivais comme un miracle.
Comme d'entrer dans un tableau, qui devient soudain monde animé.
C'est ce que je disais sans le dire par chacun de mes regards, chacun de mes mouvements.
C'est ce que me répondait chacun aussi, même sans le savoir.
Je longeais une petite esplanade où étaient installés des jets d'eau, des espaces de promenade et de jeux, assez fréquentés, dans un grand côtoiement de liberté. Contournant ce lieu par les rues qui le bordent, je passais sous des arbres, d'abord un cèdre qui étalait ses branches au-dessus du lieu avec une immense tranquillité, je connaissais cet arbre mais jamais je ne l'avais vu prendre autant d'espace, de hauteur, de largeur, et surtout une telle satisfaction qu'il me semblait exprimer jusque dans ses bouquets d'aiguilles lustrées jubilant sur ses branches.
Cet arbre-là et plusieurs autres, à mesure que je marchais, déployaient une beauté que je ne leur avais jamais vue. L'heure apaisée du jour, la clarté de la lumière, la sonorité de l'air sans vent les rendaient incroyablement majestueux. J'étais entré dans une autre dimension de ce lieu. Ce que m'offraient ces arbres c'était, sans doute, ce qu'ils offrent aux oiseaux.

Vincent van Gogh, Champ de blé aux corbeaux 1890

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