Les freux

 


   Le soir s'emplit de croassements de corbeaux. Dans le ciel bleu balayé de couleurs de feu, ils battent paisiblement de leurs grandes manches noires, traversant du nord au sud le grand ciel de ma fenêtre. D'un vol souple, ample et puissant comme est la suavité de leur voix.
Ces corbeaux — ce sont des freux — vivent en colonie. Familiale, anarchiste, ainsi qu'elle m'apparaît, enviant sa liberté, l'aisance évidente de chacun de ses membres et le plaisir des regroupements impromptus ou plus rituels, des grands festivals d'automne dansés et criés, consumant la joie jusqu'à la nuit avancée sans qu'on voie jamais le débordement d'une violence.
Observer les corbeaux, même dans ce tranquille retour du soir vers leurs arbres de nuit, me procure toujours un profond bonheur.

Elmer Bischoff, Orange Sweater, 1955

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