Le chemin

     Je viens de me voir prendre un chemin... suivre un chemin... m'engager dans un chemin... découvrir un nouveau chemin. Il y a toujours un chemin pour m'attirer.
Ma pensée rassemble toutes ces pistes suivies, tous ces trajets en cours, qu'ils soient des sentiers de randonnée, qu'ils soient des longues plages ouvertes où l'on croise des inconnus venus de l'horizon comme des bateaux ou des oiseaux. Oubliant le but, le désir, le devenir, la conquête...
Que ce soit dans la rue ou sur le piano, un livre à la main ou le crayon, je me vois sur un de ces chemins, croisés, sillonnés, tracés ou déliés, si multiples pour moi — je n'ai jamais su suivre longtemps le même sans qu'il m'en découvre un autre.
Mais cela est égal, le dessin de l'itinéraire serait-il droit, en fil continu, en branches d'étoiles ou en labyrinthe, lignes courbes ou lignes brisées, seul le plaisir du chemin fera rougir les fleurs et miroiter les feuillages, chanter les oiseaux.
C'est une petite sensation qui a déclenché ce soir cette improvisation, juste ce contact que tu m'as offert même en étant loin, avec une simple carte postale à laquelle mes crayons de couleurs viennent maintenant répondre. Mais ce n'est là qu'une part infime de la danse qui va touchant de proche en proche
bouquet de fleurs
bouquet de dessin aux crayons de couleurs
bouquet de mots qui soudain parlent sur la couverture du livre posé sous ma feuille
bouquet des idées qui chantent que le plaisir vole par-dessus les lieux, par-dessus les temps, et inspire l'harmonie du monde.
Ce n'est pas une affaire de poésie. Ce ne sont pas des mots jolis, juste une écoute attentive et un droit au plaisir partagé.

La terre tourne
l'horizon bascule
le jaune du soleil apparaît
sur le mur

Les mots me tirent doucement du lit
sur la chaise le bleu clair du peignoir éponge
coule mollement
comme un paresseux
encore endormi sur la branche

Un nerf me tire par une patte
et le ventre est touché
Allons !

Illustration de couverture : René Schlosser