Instants entrevus d'un journal


 

   Isis m'a appelé. C'était il y a une quinzaine de jours. Pour une invitation à une soirée musicale chez elle — dans le jardin, s'il fait beau ! — musique autour du monde, quelque chose comme ça, sans plus de détails. "Au chapeau", a-t-elle dit. J'ai du mal à me bouger. J'irai pour Isis — pour conserver le précieux lien. 

Écrire sans l'impératif d'exprimer — juste relater — ce que je ne fais pas d'habitude, mais qu'on peut faire dans un "journal". Jouer au journaliste.

Cet après-midi Clara m'a appelé. Dans sa voix une gentillesse — me vient ce mot désuet — presque jeune, presque enjouée, contenant très bien les difficultés (la tristesse, les désagréments qu'elle peut ressentir). Dans sa voix porteuse de lumière, un contraste estompé avec le sombre du contenu, avec les nouvelles sans surprise du poids de la fatigue. Femme délicate et avenante qui ne masque pas, mais ne laisse pas venir en avant, le mal-être de la vieillesse — plus de neuf décennies — et ses aléas. Elle entreprend, discrètement, avec un tact sincère, de me séduire en passant, sans insistance. J'irai la voir, partager des moments de connivence, d'intelligence, de sensibilité qui me sont doux et vivifiants. 

Malgré tout une écriture "de journal" peut ouvrir la page à "mon" écriture, à mes "improvisations contacts" — ce terme de danse qui me jette au-devant de l'échange créatif. Avec des mots comme des nuages qui courent dans le vent.

Ensemble, au téléphone, nous tournons les pages de l'instant.
— "Nuageux ?" me glisse Clara comme une aide suggestive lorsque je cherche un mot pour dire, à sa demande, mon état du moment. 

Peinture de Georges Braque

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