Espace de l'esprit

 


    On entend le vent dans les arbres, comme satisfait — d'un bon repas, ou d'une douceur de l'air. En face, des petites touches rouillées pendent en abondance dans le feuillage rond et vert des arbres de Judée. Ce sont leurs fleurs séchées, ou leurs gousses, qui ont pris cette forte tonalité de cacao, la même que celle qui, au pied des bancs abonde, légère, friable, toute en petits copeaux de feuilles de marronniers, ourlés, dentelés, entremêlés au soleil de fin d'après-midi qui les roule doucement. Ici ou là une bogue usée s'ouvre sur une bouche éclatante où rebondit un marron presque rouge, flottent des petites langues de tilleul, très claires, qui n'ont de couleur que le pâle jaune qu'a pu retenir l'aquarelle de l'été. Passe une femme en robe longue, sinueuse, dans les mêmes tons de fleurs brûlées.
Et ce qui se prépare là — car c'est ce qu'on était venu observer, comprendre — musique ou récit — c'est maintenant tout ce que les sens combinés, en mélange, peuvent goûter et composer.
C'est là un moment d'une ville, un espace à l'écart en plein cœur de toutes les fureurs, de tous les abîmes et de tous les sommets. Une église. Un lieu de rencontre. Un atelier. Une tribune ouverte où un jeune homme, sans reprendre haleine, brille en expert du monde footballistique. C'est quelques arbres sous lesquels sont scellés des bancs. Je regarde le livre que j'avais pris pour m'accompagner — ou pour l'accompagner jusqu'au temps de le lire — "Là où tout se tait" de Jean Hatzfeld.

Peinture de Victor Brauner, Espace de l'esprit.

Commentaires