J'étais plongé dans la nuit et le souci de l'écriture m'en tira comme par les cheveux, me dictant une brève argumentation en défense de la biodiversité — la raison même de cet écosystème fondé sur la variété et la complexité est son existence — et me montrant "la planète aux êtres vivants", velue, chevelue, habitée de vie, la planète qui respire.
Son existence présente est sa preuve, on ne peut pas en chercher d'autre ailleurs ou dans un autre temps. Sa présence permanente — sustainable, qui se soutient elle-même, viable — est sa preuve suffisante.
Francis Hallé, son éloge de la plante, son amour de la biodiversité tropicale, m'ont, entre autres, permis d'enrichir et de fortifier ma vision d'une planète nourrie de soleil. Ma vision est aussi celle du matin renouvelé, celle de la nuit bleue, de l'aube, de l'aurore aux doigts de rose, du char de Phœbus, du soleil submergeant de Rimbaud.
L'homme s'imagine le futur. Pour la planète, le futur fait partie du présent. L'homme voit le futur à terme, à moyen, court ou long terme, toujours au-delà, au terme du présent c'est-à-dire au présent terminé, faisant place à un futur présent qu'il projette, programme, construit en imagination. Cette forme de déni serait à regarder de plus près. Que veut-il oublier ? De quoi veut-il se séparer ? La nature endosse ses projets, ses imaginations dans son gigantesque bricolage. Elle réalise tous les possibles, qui se combinent, s'assemblent, font même les impossibles. Le résultat est la complexité, la somme de toutes les performances, le puzzle complet. Tout est là, tout s'organise, s'ajuste, se transforme dans le présent sous nos yeux. Il n'y a pas de futur au-delà, il n'y a pas de Dieu sinon dans l'inquiétude des gens. Mais cela est déjà bien assez fort, l'inquiétude, bien assez présent pour qu'on le regarde de plus près.
Le poète, céramique, Bengt Lindström, 1998
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