Il y a seulement quelques jours, j'ai redécouvert l'air. L'air dans lequel j'avançais, je respirais, qui offrait à mon visage un moelleux appui, un volume léger et parfumé, pénétrant les poumons pour les recharger d'énergie. Je me voyais comme un potentiel apprenti nageur aérien dans ce même ciel où les martinets déploient leur acrobatie. L'air m'est maintenant connu, doublement connu et reconnu. Car de simples connaissances que nous étions, nous sommes devenus amis. Dans sa souplesse à mes narines, dans sa présence contre ma peau, son amitié est là.
Même dans les jours de canicule, cela est perceptible — non pas la chaleur de l'air, l'écrasement, la fatigue, qui sont là aussi — mais cette présence compagne, contemporaine obligée de notre existence, existence elle aussi. Cela n'est rien pour moi qu'un pas, qu'une ouverture, vers cet autre mode de coexistence, que les anthropologues ont nommé l'animisme.
C'est sur les petites hirondelles blanches et noires, revenues au soir jeter leurs furtifs fuseaux de dentelières dans la trame virevoltante des martinets, c'est sur elles que s'est posé d'abord l'animisme. Posé et englouti aussitôt, la perception totalement libérée. Sur la table le livre ouvert montre une peinture de Vermeer. J'ai en mémoire une parole de Georges Braque « Ce qui est entre la pomme et l'assiette se peint aussi ».
Ce qui s'offre à notre perception est inédit. Mais très lentement change le vocabulaire pour y répondre, et plus lentement encore le cours de nos affaires. Le vent tourbillonne, la nuit, la courte nuit du solstice va bientôt prendre sa place dans les derniers feux du jour, les martinets infatigables sillonnent encore en criant le ciel qui peu à peu brouille son éclat.
Trois canards, cous tendus en formation serrée, traversent silencieusement le ciel de la rue, déterminés comme des agents secrets. En bas nous nous croisons entre semblables, discrètement, chacun pour une raison qui lui appartient, en cette heure tardive.
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