La Fontaine et Chagall

 Un instant le matin est silencieux. Blanc comme le drap de neige qui s'est posé sur le pré de cinq sous. Geneviève m'a prêté hier le Chagall - La Fontaine ©rmn. Les mots maintenant - ils sont nombreux - se mélangent au soleil qui entre dans la maison.

Si l'art de La Fontaine survit si bien à tout procès d'utilisation anthropocentriste des animaux, de méconnaissance de l'éthologie et autres finasseries scientistes, c'est qu'il est d'une subtilité, d'un sens du réel, et d'un humour qui ne cessent de nous confondre depuis plusieurs siècles et que, personnellement, je découvre plus profonds à chaque relecture.
Il sait allier comme personne la complexité à la simplicité et s'offrir véritablement à tous les niveaux de lecture. Il interroge toujours, et sans jamais pouvoir être récupéré par la brutalité de jugement ou de croyance. Comme en cela il s'accorde bien à Chagall !

Le lion devenu vieux

Le lion, terreur des forêts,
Chargé d'ans, et pleurant son antique prouesse,
Fut enfin attaqué par ses propres sujets,
          Devenus forts par sa faiblesse.
Le cheval s'approchant lui donne un coup de pied,
Le loup, un coup de dent, le bœuf, un coup de corne,
Le malheureux lion, languissant, triste, et morne,
Peut à peine rugir; par l'âge estropié.
Il attend son destin, sans faire aucunes plaintes,
Quand voyant l'âne même à son antre accourir :
"Ah ! c'est trop, lui dit-il : je voulais bien mourir ;
Mais c'est mourir deux fois que souffrir tes atteintes."
 

Commentaires

  1. Pauvre âne! Sa réputation est faite! Et pourtant comme je l'aime bien!

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    1. Merci pour ta réaction, que j'apprécie beaucoup ! En effet, sa réputation est faite, c'est ce que semble dire notre fabuliste, mais non sans un sous-entendu, que tu relayes si bien !

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