Même si ce n'était pas son objectif avoué, Freud a raconté son histoire à travers celle de ses patients. Comme Lacan a travaillé la sienne. Ce faisant, ils ont — comme Proust aussi racontant la sienne dans son roman — dit quelque chose de leur époque, du monde bourgeois ou intellectuel des XIXe - XXe siècles, et par la même occasion continué l'histoire de la psyché humaine commencée par les Grecs.
Marchant sur leurs brisées en faisant à ma manière ce même métier, j'apprends à me garder de me substituer aux autres en me racontant leur histoire. Je ne veux pas me faire leur romancier.
Si chacune et chacun de nous est aux prises avec cet encombrant paquet qu'il faut bien assumer — soi-même — qu'il faut comprendre, habiter, vivre dans sa relation aux autres et à tout ce qui nous entoure et nous conditionne, personne ne peut le faire à notre place — tout psy qu'on soit, on est aussi l'habitant d'un seul corps.
Ce paquet de verbe, ce roman, que chacun doit remuer, il n'est pas non plus distinct du corps. Même s'il comporte une infinité de petites parcelles... que c'en est vertigineux !
Mais on y danse.
Les moineaux ont entonné un petit chœur à l'intérieur des fusains et du thuya, tandis que les mésanges sautillent par-dessus d'un rameau à l'autre, d'un arbuste à l'autre, replètes dans leur maillot noir et bleu comme des petits rats d'opéra, détendues, silencieuses.
Un ballet de moucherons dans le soleil pâle. Ils montent et descendent, on dirait des balles qui jonglent, ailées, presque minuscules, si légères. Des poussières de balles qui jouent entre elles. Je ne pense pas qu'elles soient mangées par les moineaux ou les mésanges, elles sont si gaies, là au milieu. Et le soleil s'est renforcé, et l'excitation de leur jeu semble à son comble.
C'est au-dessus du lilas — encore feuillu — qu'ils jouent, je ne sais pas si cela a un rapport... sans doute car ils redescendent, dans leurs rebonds, presque jusqu'aux feuilles, et ne s'éloignent pas de l'arbuste.
Je continue à mettre des miettes sur la fenêtre. Mais personne ne vient. Tant mieux, parce que je crains que ce ne soient les pigeons.
Je continue à écrire des choses insignifiantes. Je m'obstine — comme Morandi à peindre ses pots et ses bouteilles.
Morandi, nature morte, expo Grenoble 2011
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