La petite pluie toute grise vient de disparaître avec le sombre manteau du ciel enlevé d'un coup. Voilà du soleil dans les fusains, des collerettes d'or. Une feuille miroite ici, une autre là, ce sont des oiseaux qui bousculent leurs volets. Une plongée noire traverse le ciel devant mes yeux, une note tombée qui s'éteint pianissimo et l'azur est bleu clair maintenant avec juste un col roulé de fourrure blanche sur l'épaule.
Une petite fête entonnée par les moineaux, de brève durée, puis je les vois dans le thuya, observateurs tranquilles, faisant des boules, modèles vivants pour une décoration tendre et malicieuse, à l'approche de Noël. Bientôt les voilà partis, se dégourdir les ailes ou chahuter dans d'autres cours ou d'autres jardins que je ne connais pas. Il n'y a pas de chasseurs en ville, et ce n'est pas la mode non plus de tirer les moineaux. Ils sont à l'occasion victimes des guerres comme les humains qui n'ont rien demandé, massacrés de mille manières. Aujourd'hui la guerre est partout. Partout où il y a des hommes. Qui est responsable ?
Il fait très beau maintenant. Les nuages blancs se sont éparpillés, le vent du nord les met en route. Autour de la Terre, l'humanité achève peu à peu de partir en fumée, noyée, enterrée, concassée, entraînant avec elle, définitivement, bon nombre de vivants de toutes espèces. Fin de l'Anthropocène, une ère de déclin. Selon les savants, l'ère dont l'espèce humaine est responsable... Ont-ils bien dit : responsable ?...
Mais l'humain est-il réductible à une espèce... ou faut-il attendre de lui un dépassement inédit ?
Des oiseaux se remettent à piailler. Ils s'agitent. Le ciel s'obscurcit de nouveau. Silencieuse, presque invisible, est revenue la petite pluie grise. Et le ciel s'éclaire à nouveau de bleu. Le vent tourne, ne sait pas ce qu'il veut.
Photo de Robert Doisneau, 1945
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