Attablé devant un large festin de chairs féminines, je compris finalement que, dans les espèces vivantes, l'amour n'est pas affaire de criminalité, mais que cette question, qui relevait d'une perversion peut-être rare et exceptionnelle, ne pouvait se poser que dans la nôtre. Ce pays que j'étais en train de parcourir m'offrait jour après jour de magnifiques découvertes et j'en étais chaque fois transformé comme si, passant d'une région à l'autre, j'apprenais une nouvelle langue, ou comme l'élève qui grandissant d'une classe à l'autre augmente à chaque fois son horizon et ses capacités.
Il s'y rassemblait autant les hyménoptères de Jean-Henri Fabre, avec leurs ailes jointes, leurs larves se repaissant, leurs abdomen luisants, leurs dards redoutables, que des dessous de femmes, humides et tachés, leurs fruits ouverts languissants, les soupirs, les salives, les coups de boutoirs et les frémissements, les propos conciliants, les jeux hypocrites, les cris, les hurlements étouffés.
Il y avait surtout sur la table où je me souvenais d'avoir plongé, de m'être repu, de m'être délecté, d'avoir aimé et joui, de m'être endormi presque noyé, la plénitude de l'existence, son immensité étalée sous le soleil, mêlant tout dans une prescience de la vie et de la mort.
C'étaient — ces nuits de rêve — des bagages de connaissances. Ils m'accompagnaient discrètement, aussi sûrement que discrètement, comme un génome, ou plutôt un épigénome salutaire, j'avais compris que la force de vie est unique, unique et continue, partagée, usant des corps, usant des morts, nous prenant un temps sur son dos. Et je m'éveillais chaque matin de bonne humeur.
Le Sphinx de Liya me regarde : Qu'est-ce qui est à la fois rêve et réalité ?
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