
Je lis Les trois messes basses. Je jubile. Il y a là, maintenant, Alphonse Daudet, l'une de mes comètes, dans toute la saveur peaufinée de son écriture, le livre, le vieux petit livre de poche qui n'en finit pas de se rabougrir, de perdre ses pages par la bordure qui s'affine comme un pétale pâli, qui se consume comme une vieille cigarette, comme la pierre part en poussière, comme l'encre redevient eau, et le temps, il y a là le temps qui s'offre à moi, comme la table garnie du banquet, le champ en fleurs de toutes les saveurs, comme le chant de la nuit à mes oreilles, avec toutes ses étoiles limpides. Nous parlons, lui et moi, nous parlons ces mots tous ensemble, nous et eux, les messire du XVIIe siècle salivant dans la troisième messe basse de Noël attendant le réveillon, ceux du XIXe, les Flaubert, Maupassant, Daudet, suant de leur plume, les yeux enfiévrés mais nous jetant les graines déjà toutes fleuries, et nous du XXIe faisant les battages en mêlant nos rires, nos rêveries, nos tendresses, nos gourmandises aux leurs dans un grand chant choral, temps retrouvé jamais perdu. Voilà donc, le petit livre de poche usé, flétri, sur mes genoux, réveillé à la fraîcheur de la nuit.
Photo Izis, 1966
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