Je suis mouton comme les autres

Nous arrivons à la fin août. Je reprends le livre que je lisais il y a quelques jours. Nous connaissons l'état du monde – cette densité incroyable que nous vivons, ce fourmillement contigu de tout et de rien, la paix, la guerre, le loisir, l'étude, la politique, l'amour et la folie, tout ça très mal partagé. La joie familiale et le calme revenu. Un stupide cognement de décibels sourd du voisinage, mécaniquement, harcelant le nuage clair des mots qui flottent de mon livre, venus du 27 août 1917, tracés comme il pouvait dans sa tranchée et envoyés à sa famille dans la Drôme par Louis Magnan, c'est la plus grande leçon d'Histoire que je connaisse.

«  Et il y a trois années passées que c'est la guerre. Et dire qu'elle ne nous a rien appris : nous sommes toujours les mêmes moutons. Un peu plus soumis, un peu plus abrutis et, par conséquent, plus dociles au berger, qui lui, n'a rien perdu. On lui a toujours donné sa bonne paye, une bonne table. Si ses moutons ne sont pas gras, lui, par contre, sa peau brille et tire dessous son beau paletot. Moi, j'en souffre, puisque je suis mouton comme les autres. Mais puisque nous sommes si bêtes, il est tout naturel qu'on nous fasse crever. Il vaut autant que les intelligents en profitent. Tant pis pour nous !   »

Sculpture de Eva Roucka

Extrait cité par Jean Sauvageon de l'ouvrage "Je suis mouton comme les autres" dont il est l'un des co-auteurs, Peuple libre, Valence, 2002.


Commentaires

  1. c'est éternel, et de temps en temps les moutons se rebellent

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  2. Très rarement, il y a un mouton noir ou une brebis galeuse...

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