Ce matin j'ai entendu la fauvette à tête noire. J'ai cherché à la
localiser, elle pouvait être dans le grand cèdre à l'est. Ce chant
n'était pas celui d'un merle. Elle l'a répété assez brièvement,
diminuendo, une fois ou deux, pas plus, comme je l'avais déjà vue faire,
vue et entendue, l'autre fois, de l'autre côté sous ma fenêtre, la
seule fois où je l'ai vue. Commencerais-je à entendre aussi, à lire le
ciel en aveugle ?
Les martinets sont bien visibles, assez haut dans
un coin du ciel, ce même petit groupe d'une quinzaine. Ils dansent
plutôt qu'ils ne chassent, visiblement. Ils ne sont plus si haut, la
scène de leur ballet s'écarte, descend. Il y a bien une sorte de chasse
dans leur jeu, on voit des couples se poursuivre, des "pas de deux"
acrobatiques qui s'inscrivent dans une ample broderie de figures se
nouant, se dénouant, alerte, très déliée, avec des petits points serrés
qui viennent se frôler à grande vitesse, puis se lâchent en longues
courbes majestueuses. Chorégraphie collective, purement esthétique, sans
cris. Fenêtre ouverte sur un monde présent déjà bien avant qu'aucun
humain ne soit né pour le voir.
Ils se dispersent, comme se disperse
le bleu dans l'espace de larges formations de nuages, blancs ou gris,
dans lequel ils chassent à présent, non sans que certains continuent à
se suivre ou se pourchasser deux à deux.
Alechinsky, Exercice de nuit, 1950
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