Animal

 

Dans une histoire que je suis en train d'écrire pour les enfants, m'arrive un chapitre contenu tout entier dans les 3, 4 mots de son titre : La lamentation du moineau. Je tire un trait au-dessus et un au-dessous, je suis incapable d'y inclure un mot de plus. J'en garde une inquiétude pendant quelques jours. Pourtant je sais que tout est dit, là dans ce silence unique, très particulier, de la lamentation du moineau. Patachon, le héros de l'histoire, venait d'entrer dans l'hiver, après avoir remisé sa patache. Nul moineau n'était apparu jusque là. Je finis par griffonner, pour ce lamento, 

qui l'entendra, le chant sans voix,
si contrit, si recueilli,
que la tiédeur de plume

Au chapitre suivant, Patachon, sortant d'une saison catastrophique pour lui, découvre le ciel et la nature.

C'est alors que tout à fait par hasard je lis, sous la plume ( ! ) d'Alaa El Aswani (Le Syndrome de la dictature, Actes Sud, 2020), une histoire de moineau, qui explique de manière simplissime la raison d'être de la religion dans la tradition musulmane : se tranquilliser sur ce que nous ignorons, ce qui ne dépend pas de nous, ce qui est l'affaire de Dieu.

Le moineau semblait très malheureux et Dieu lui demanda :
— Pourquoi es-tu si triste ?
— Je suis triste, répondit le moineau, parce que j'ai fourni un grand effort pour bâtir un nid dans cet arbre, mais vous, Seigneur, vous avez détruit mon nid et je suis sans demeure, sans aucun endroit où m'abriter et je dois à nouveau refaire tous ces efforts pour construire un nouveau nid.
— Ne sois pas découragé, lui répondit Dieu, tu y avais seulement vu un nid pour y vivre, alors que moi je peux tout voir. Il y avait là une grande vipère qui t'attendait en embuscade. J'ai détruit le nid pour te sauver la vie. Alors que tu penses que je t'ai fait du mal, mon cher moineau, je t'ai sauvé.
Le moineau cessa d'être triste et il se mit à louer Dieu pour sa bonté et sa bénédiction et se mit avec enthousiasme à bâtir un nouveau nid.
Cette parabole, très connue en Islam, nous apprend à ne pas être triste lorsqu'une calamité s'abat sur nous, car cette calamité peut réellement nous sauver d'une encore plus grande catastrophe, connue de Dieu seul. A ce égard, le Coran proclame : "Il est possible que tu n'aimes pas une chose qui est bonne pour toi et que tu aimes une chose qui est mauvaise pour toi. Mais Dieu sait et tu ne sais pas."

Voilà peut-être de quoi rassurer les humains. Mais le moineau, se laisserait-il aussi facilement manipuler ?
Je décide donc de lui laisser son espace sur la page, sans trop m'approcher. Je comprends que dans ce chapitre Patachon découvre l'animal.


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