La rivière glissait, parfaitement silencieuse, entre des arbres gigantesques bruissant d'un doux froissement au milieu des couleurs d'été et des jeux des oiseaux fous.
Je passai la fin d'après-midi à marcher et à m'arrêter pour lire le long du chemin au gré d'un banc, ici et là, un des contes de Maupassant. Et souvent je retrouvais, après la lecture, cette sensation d'émerveillement d'avoir vu, par miracle, à travers un interstice, la vie telle qu'elle est vraiment. Même cruelle, elle l'est souvent, chez Maupassant — ou plutôt : les hommes le sont souvent, cruels et stupides. Et ce constat n'en est pas moins bouleversant.
Les interstices.
Déjà, il faut que quelque chose se passe pour qu'ils puissent apparaître.
Et là, c'est comme la révélation du monde caché.
Plus exactement : c'est le monde révélé (ce n'est pas un monde caché qui vivrait au-dessous de l'autre). C'est comme la fleur d'hibiscus. Vous la voyez éclore le matin par surprise. Elle était en préparation dans ce petit cylindre à la pointe rouge, enroulé sur lui-même. Mais elle n'était pas. Elle se préparait. Et puis d'un coup elle est là : un monde merveilleux, une vie délicate, une révélation. Le lendemain elle n'est plus. Elle a révélé toute sa vie. Elle s'est enroulée dans ses longues jupes pour disparaître.
L'histoire fait ainsi. Il y a la pointe rouge d'un cigare qui brille. Ou une feuille particulière sur l'arbre, qui se met à frémir, un regard qui capte le passage d'une lumière qui libère un souvenir, l'arrivée d'une forte fille aux joues rebondies qui porte au bout de ses poings rouges les larges plats chargés de nourritures, et que tous suivent de l’œil... Quelqu'un dit : Cela me rappelle... Mais ce n'est pas un souvenir, c'est une fleur qui va éclore et révéler la vie.
La vie telle qu'elle est et qu'elle vous avait toujours échappé.
photo r.t
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