du journal de la rivière
Je voudrais brosser toutes les étapes. Avoir comme un carnet de voyage, ce papier dans mes mains, le crayon. Brosser le tableau, les esquisses. Poser les jalons, les premières pierres, les prises, jeter les ponts, oui, jeter parce qu'ensuite on franchit sans penser revenir en arrière. Ce n'est pas peindre mais écrire, mais écrire comme marcher. Car quel est le résultat ? Une construction comme les nuages qui se forment et se déforment, qui ne laissent pas de trace mais qui se remettent en route comme le film au cinéma. Possiblement, mais peut-être jamais plus. On ne le fait pas pour ça. On n'écrit pas pour être relu. Mais pour être lu, à mesure, pour s'inscrire dans le déroulement du ciel.
Alors peindre, écrire, danser, faire de la musique, tout va ensemble vers le jour qui change, vers l'énergie qui porte. Tout... non, pas tout, mais de proche en proche ce qui se touche, ce qui se rassemble, ce qui se rencontre, ce qui s'oppose, ce qui se transforme. Aujourd'hui près de moi c'est le bouquet qui passe dans mon crayon, et s'épanouit. Une étamine de l'été.
En fin de compte il vient toujours un moment où l'écho des pas disparaît – dans une autre musique – un endroit d'où les phrases ne seraient plus intelligibles. Un oiseau écartera ses ailes au-dessus de vous et vous sentirez le bleu de l'air qu'il frappe et combien le papier est loin maintenant – comme celui qu'on avait autrefois jeté à la rivière. Les cigales mêlées au clapotis de l'eau, le vol rectiligne des mouettes, le merle gloussant luisant de beauté à mes pieds ont tourné définitivement la page.
Et puis quelque chose s'est passé quelque part, dans un instant d'inattention, là où une branche de saule traînait dans la rivière, ou bien ailleurs, un monde s'est substitué à l'autre, a pris toute sa place et même plus.
photo r.t
La nature, la création en incertitudes . Où cela va-t-il? Où va le nuage antilope, chimère ou licorne qui évolue dans le bleu du ciel? Nul ne sait.
RépondreSupprimerc'est notre chance !
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