Journal 2.4.19


du journal du divan

Contrairement à l'écrivain moi ce n'est pas pareil moi je n'ai rien à dire. J'ai le besoin de parler.
Rien à dire parce que je l'ai abandonné à la rivière, abandonné même au chemin blanc de pierres et de poussière et au ciel bleu. Je ne l'ai pas confié, je ne l'ai pas dit, je l'ai abandonné, restitué quand j'ai compris que ce n'était pas mien quoi que je fasse, que je n'avais rien, rien à moi, rien à dire. Et chaque fois j'ai rendu, restitué, à la montagne, au chemin, à la rivière, au ciel... ce qui était eux.
Alors si j'avais encore envie de parler c'était presque comme de vomir, comme une nausée qui vous prend quand il n'y a rien à vomir, juste une envie de rendre. Rendre l'envie encore, rendre mais à qui, l'envie n'est qu'à moi. Il fallait travailler cette envie travailler sens dessus dessous comme on travaille la pâte, la retourner, malaxer, ruminer. Tout le temps de ton temps tu as fait ça, te retourner, t'imaginer le fœtus dans le ventre d'une mère, cherchant sa forme, cherchant sa forme.
C'est ainsi, jamais fini de se former et déformer, c'est ainsi, être sur le divan, informe se formant et déformant, roulant tournant et creusant sa place dans le sable, un coquillage et je m'enfonçais dans l'oreille de nacre, de calcaire, le pavillon de l'oreille qui écoute, qui sait que je n'ai rien à dire, juste à naître dans l'oreille qui écoute, la nuit le jour roulés ensemble. Là où le temps ne passe pas.

Peinture de Félix Vallotton

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