du journal de l'écrivain
Le lendemain il n'y avait plus qu'un couple, désolé, immobile, silencieux – quand j'ai levé les yeux en traversant la place particulièrement calme en fin d'après-midi. J'ai dû regarder à plusieurs reprises, changer de point de vue, tellement étonné de la présence immobile de cette forme noire d'oiseau sur une branche, les deux côte à côte. Dans les jeunes platanes illuminés du vert tendre des bourgeons éclatés, tous les nids avaient disparu. Assez haut dans le ciel, juste à l'aplomb de la place tournaient deux grands oiseaux noirs, aux ailes frangées, deux freux visiblement. En silence aussi, ils ont décrit plusieurs ellipses avant de disparaitre.
Que cela finisse en quelques lignes postées dans ce dit journal m'interroge. Eux qui auraient animé la place, mêlé leur vie de famille, leur vie de chasseurs cueilleurs, de promeneurs des airs aux nôtres au-dessous d'eux, qui auraient chanté et crié pour nous peut-être autant que pour eux, animé le ciel de leurs danses, ils sont niés, écrasés dans ce qu'ils ont de plus cher, leurs petits, chassés de notre espace. Et notre espace est partout, possiblement. J'entendais une musique de plainte, en marchant, une musique ample comme l'écho d'une cantate baroque, je l'entends en écrivant. Je revois l'homme que j'ai dépassé sur le trottoir où il se tenait assis, quelque chose à la main comme une petite pancarte usée comme on tient une ardoise ou maintenant une tablette électronique, un homme âgé qui finit par faire corps, pour le passant, avec ce bout de trottoir, comme une borne, et qui parle sans discontinuer, d'une belle voix calme et tendue, pour lui-même ou plutôt pour un espace que nous traversons, dans l'indifférence.
Que cela finisse en quelques lignes postées dans ce dit journal m'interroge. Eux qui auraient animé la place, mêlé leur vie de famille, leur vie de chasseurs cueilleurs, de promeneurs des airs aux nôtres au-dessous d'eux, qui auraient chanté et crié pour nous peut-être autant que pour eux, animé le ciel de leurs danses, ils sont niés, écrasés dans ce qu'ils ont de plus cher, leurs petits, chassés de notre espace. Et notre espace est partout, possiblement. J'entendais une musique de plainte, en marchant, une musique ample comme l'écho d'une cantate baroque, je l'entends en écrivant. Je revois l'homme que j'ai dépassé sur le trottoir où il se tenait assis, quelque chose à la main comme une petite pancarte usée comme on tient une ardoise ou maintenant une tablette électronique, un homme âgé qui finit par faire corps, pour le passant, avec ce bout de trottoir, comme une borne, et qui parle sans discontinuer, d'une belle voix calme et tendue, pour lui-même ou plutôt pour un espace que nous traversons, dans l'indifférence.
Peinture Abigail Stern
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