Intérieur

Elle fait grincer le volet et puis l'accroche, contre l'autre, avec l'espagnolette. Ferme la nuit dehors, comme elle dit. A l'intérieur, la cheminée flamboie et chauffe, mais tout le monde est parti. Fin de vie... d'une certaine façon, ce n'est pas seulement la journée, la saison,  les amis qui s'en vont... Ça sent le rétréci. Il faut se retirer à l'intérieur de ses vêtements, mieux sentir sa chair contre les os – presque le squelette. Alors on se remet à danser, d'abord de l'intérieur, puis on s'anime, on met de la musique, ou on l'entend – on entend celle qu'on a, à l'intérieur, et toute la ménagerie, oui toute la jungle revient. Elle regarde dans le feu, elle voit les couleurs du soleil qui lui chauffe la peau, l'été, orange, comme la fleur du plaisir. Elle la lèche déjà, encore, elle court sous elle, en-dessous des vêtements, de la chair, et la danse la grandit, l'étire et la tourne, la tord et la ploie et tout son corps est à nouveau habité de flammes et de fleurs et de panthères et d'ourses soyeuses, de lianes et de torrents, de larges fleuves, elle danse, vole et nage, quoi de plus normal, c'est encore la vie.

Georges Braque, la nappe mauve

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