Journal 6.3.19


du journal de la rivière

Un jour en septembre la rivière se plaint. La rivière est enceinte. Elle gémit sous la poussée qui l’enfle, son ventre est plein. Elle voudrait un pêcheur qui l’aide, qui lui prenne l’enfant : c’est une baleine, une abominable et tendre baleine verte et noire. Elle s’écrasera sur la terre et la terre la mangera. Et elle, mangera la terre en descendant, jusque dans ses moindres recoins. Et bientôt, la rivière sautera sur son lit, légèrement, à petits bonds, comme pour saluer le soleil, son roi.
J'écris ces lignes, et quand j'y retourne, l’après-midi même, je la trouve étonnamment calme, apaisée, plate comme la mer et scintillante de milliers de petits bâtonnets de lumière. Une belle rivière, vraiment, comme on peut en voir en septembre, avec un canot à moteur qui passe et la coiffe de remous ondoyants. Je l’ai regardée avec un vrai plaisir, dépourvue de sa fascination dont elle ne me lâchait pas depuis des jours, et j’ai compris qu’elle n’avait pas été enceinte, mais que c’est moi qui l’étais d’elle.

Peinture de Pierre Boncompain

Commentaires

  1. Réponses
    1. Comme ces mots vont bien au tableau ! (dont je ne connais pas le titre, s'il en a un) Ils posent un beau reflet sur le texte, aussi.

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