Ce journal, je m'en souviens maintenant, je l'ai jeté dans la
rivière. Il y a vingt ou trente ans. Je le recherchais vaguement encore il
n'y a pas si longtemps. J'avais oublié. Pourtant le cahier bleu je l'ai
jeté, pour qu'il rejoigne la rivière. C'était "le journal de la
rivière". Je l'avais envoyé à Paul Otchakovsky-Laurens et puis, quelques
jours après je lui avais téléphoné pour lui demander de me le renvoyer.
Pourquoi ? m'avait-il demandé. Je ne veux plus le publier lui avais-je
répondu.
J'ai considéré le bleu du cahier un long moment encore, ses nuances de bleu luisant, sa matité par endroits, et les très fines stries à la surface, d'où lui venait sans doute cette profondeur stellaire qui attachait mon regard. Un bleu pâli, poli, adouci à mes mains, dans lequel mes yeux se perdaient comme dans un univers, un microcosme de la beauté du monde. Et comme une preuve tangible de la tendresse.
Il y avait certainement plusieurs années que je le traînais jour après jour au bord de la rivière, dans la voiture, dans le sac. Je m'arrêtais pour écrire. Chaque jour j'allais la voir, observer ses couleurs et tenter de les définir. Elle était l'au-delà du monde que je voulais atteindre. Elle était la clé de la connaissance. La clé du royaume.
Je connais ses milliers de couleurs d'ardoise, de terre, d'acier, de serpents, ses noirceurs et ses ors, ses glacis, ses à-plats et ses couches, ses miroirs, ses jonchées. Ses heures, ses saisons dont aucune jamais n'est semblable à une autre. J'ai eu cette foi inébranlable qu'elle me conduirait à moi-même et au monde. Ce qu'elle a fait, finalement, ce qu'elle a fait, pour le restant de mes jours.
Je me souviens la première fois qu'elle m'a fait signe, elle coulait en contrebas de grands peupliers, dans le sombre, dans le mystère, et je n'avais osé l'approcher. Il me fallait alors suive l'appel des arbres, des platanes tachés de lait, je courais les étreindre, je fuyais la vie sociale, j'allais vers mon enfantement. C'est une longue histoire.
Du "journal de la rivière" il s'est reformé deux pages dans ma mémoire, je les donnerai à lire ici.
photo r.t
J'ai considéré le bleu du cahier un long moment encore, ses nuances de bleu luisant, sa matité par endroits, et les très fines stries à la surface, d'où lui venait sans doute cette profondeur stellaire qui attachait mon regard. Un bleu pâli, poli, adouci à mes mains, dans lequel mes yeux se perdaient comme dans un univers, un microcosme de la beauté du monde. Et comme une preuve tangible de la tendresse.
Il y avait certainement plusieurs années que je le traînais jour après jour au bord de la rivière, dans la voiture, dans le sac. Je m'arrêtais pour écrire. Chaque jour j'allais la voir, observer ses couleurs et tenter de les définir. Elle était l'au-delà du monde que je voulais atteindre. Elle était la clé de la connaissance. La clé du royaume.
Je connais ses milliers de couleurs d'ardoise, de terre, d'acier, de serpents, ses noirceurs et ses ors, ses glacis, ses à-plats et ses couches, ses miroirs, ses jonchées. Ses heures, ses saisons dont aucune jamais n'est semblable à une autre. J'ai eu cette foi inébranlable qu'elle me conduirait à moi-même et au monde. Ce qu'elle a fait, finalement, ce qu'elle a fait, pour le restant de mes jours.
Je me souviens la première fois qu'elle m'a fait signe, elle coulait en contrebas de grands peupliers, dans le sombre, dans le mystère, et je n'avais osé l'approcher. Il me fallait alors suive l'appel des arbres, des platanes tachés de lait, je courais les étreindre, je fuyais la vie sociale, j'allais vers mon enfantement. C'est une longue histoire.
Du "journal de la rivière" il s'est reformé deux pages dans ma mémoire, je les donnerai à lire ici.
photo r.t
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